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vendredi 25 février 2000

Littéracies en contexte d’enseignement et d’apprentissages

Spirale — Revue de Recherches en Éducation

Appel à contributions pour le n° 53
(parution prévue en janvier 2014)
Littéracies en contexte d’enseignement et d’apprentissages

Coordination :
Isabelle Delcambre (Université de Lille 3, Théodile-CIREL)
et
Marie-Christine Pollet (Université Libre de Bruxelles, Faculté de Philosophie et Lettres - Centre de Méthodologie Universitaire)

La notion de littéracie(s) [1] commence à apparaitre dans divers domaines de recherche en France au tournant des années 2000, essentiellement en confrontant à ce concept d’origine anglosaxonne les analyses des pratiques de l’écrit dans les institutions d’enseignement (par exemple, Chiss, 1998 ; Chiss & Marquillo-Larruy, 1998 ; Grossmann, 1999 ; Fijalkow & Vogler, 2000 ; Barré-De Miniac, 2003 ; Barré-De Miniac, Brissaud, & Rispail, 2004).
Une des raisons de son émergence tient à la fois à la diffusion des travaux de J. Goody dans la communauté des didacticiens de l’écrit (Reuter, 2006, p. 131) et à l’emploi de cette notion dans les enquêtes PISA de l’OCDE (ou PIRLS, cf. Chiss, 2008) qui, outre les politiques et les médias, intéres¬sent les chercheurs.
Son origine anglosaxonne, et plus précisément britannique, et les contenus différents qu’elle recouvre, voire les débats qu’elle suscite dans les communautés scientifiques en G. B., ont été récemment portés à la connaissance des lecteurs français, par deux livraisons de revue, l’une, didactique, consacré à J. Goody (Privat et Kara 2006), l’autre ancrée dans le champ de l’ethnologie (Fraenkel et Mbodj 2010), consacrée aux New Literacy Studies, courant initié par Brian Street qui développe de¬puis presque 30 ans un débat important avec les thèses de J. Goody.
Le terme Literacy peut renvoyer, en effet, à un sens technique, formel, désignant les contenus et les effets de l’alphabétisation (un ensemble de compétences, dont ne dispose pas l’illettré ou l’anal¬phabète) aussi bien qu’à un sens culturel, renvoyant aux cultures lettrées et aux hiérarchies sociales qui les sous-tendent, c’est-à-dire à un ensemble de pratiques situées dans des contextes spécifiques et des usages sociaux. Cette dualité de la définition du terme de littéracie porte, en quelque sorte, tout le dé¬bat entre les deux grandes théories de la littéracie, le modèle de J. Goody (dit « autonome », décrivant les effets cognitifs de la maîtrise de l’écriture, modèle où l’écrit est appréhendé comme une « technologie de l’intellect » ayant partout les mêmes effets de développement culturel, social et cognitif) et celui de B. Street (dit « idéologique », visant à montrer l’inscription de l’écriture dans des contextes culturels et des rapports de pouvoir singuliers, qui interdisent toute généralisation sur ses effets cognitifs possibles).
Ainsi, la notion de littéracie(s) est convoquée dans différents champs de recherche qui, avec des méthodologies et des théorisations différentes, s’intéressent aux cultures de l’écrit et à leurs évolutions. Mais la perspective de ce numéro de Spirale vise à articuler l’analyse des pratiques de littéracie et les apprentissages scolaires ou universitaires, sans exclure la prise en compte d’autres contextes de pratiques (la famille, le monde professionnel, la vie sociale, etc.) mais en les articulant avec les con¬textes d’enseignement et d’apprentissages.

Le projet de ce numéro de Spirale est de confronter des recherches, centrées sur la notion de littéracie(s), l’utilisant, la discutant, montrant son intérêt heuristique ou éventuellement les limites de son pouvoir explicatif, interrogeant en fin de compte ce qui peut apparaitre comme un emprunt anglophile, cédant à une mode, plus qu’un dialogue théorique avec les notions de culture(s) de l’écrit, entrée dans l’écrit, littéracies scolaire ou universitaire, etc., ou avec les champs de la didactique de l’écriture, de la sociologie du langage, de l’ethnologie de l’écrit, etc.
Les questions ci-dessous n’ont pour fonction que donner des orientations, elles ne se veulent pas exhaustives, mais les auteurs pourront s’en inspirer pour situer leur projet d’article :
  Qu’apporte la notion de littéracie(s) à l’analyse des pratiques de l’écrit ?
  Quelles relations les apprentissages scolaires entretiennent-ils avec les lieux de pratiques de littéracie(s) autres que l’école ?
  Les relations historiques et institutionnelles entre l’école et l’écrit permettent-elles de penser les spécificités des littéracies ou au contraire constituent-elles une limite à l’appréhension des littéracies dans des contextes nouveaux ?
  Les contextes sociaux, géographiques, culturels, etc., donnent-ils à voir des formes de pratiques de l’écrit, occultées par la centration sur l’école, et contribuent-ils à une redescription des contours des littéracies ou à une réinterprétation des questions d’apprentissage ? Quels liens peut-on faire, notamment, entre pratiques de littéracie et échec ou réussite scolaire ?
  Quel usage est fait de la notion de littéracie(s) dans les enquêtes internationales (PISA, par exemple) ? Quelles images des compétences en littéracie donnent-elles à voir ?
  Quels liens entre les différentes pratiques langagières (écrire, lire, parler) selon les contextes, notamment dans une perspective d’apprentissage ou d’enseignement, en tout cas dans une perspective de construction de savoirs ? Que devient la théorie goodyenne du « grand partage » entre cultures de l’écrit et cultures de l’oral dans des contextes d’enseignement ou d’apprentissages ?
  Les pratiques de littéracie peuvent aussi être mises en relation avec des pratiques non strictement langagières et textuelles, comme les pratiques liées pour partie à la communication iconique (la lecture des œuvres d’art, par exemple) ou aux dimensions visuelles de l’écrit (forme graphique, mise en page, etc.). Qu’en est-il de ce qu’on appelle les « visual literacies » dans les formations scolaires ou universitaires ?
  De même, on parle de littéracies numériques, de littéracies multimodales (l’articulation de l’écrit et de l’image, fixe ou mobile, du son, du geste, etc.). Qu’apportent ces prises en compte de dimensions différentes des littéracies traditionnelles aux situations d’enseignement et d’apprentissa¬ge ?

Liste des références

Barré-De Miniac C. (2003) La littéracie. Vers de nouvelles pistes de recherche didactique – Lidil 27.
Barré-De Miniac C., Brissaud C. & Rispail M. (2004) La littéracie. Conceptions théoriques et pratiques d’enseignement de la lecture-écriture. Paris : L’Harmattan.
Chiss J.-L. (1998) Plurivocité de l’écriture et « Literacy » – in : J.-G. Lapacherie (éd.) Propriétés de l’écriture (89-94). Pau : Presses Universitaires de Pau.
Chiss J.-L. (2008) « Littéracie et didactique de la culture écrite » – Pratiques 137-138 (165-178).
Chiss J.-L. & Marquillo-Larruy M. (1998) « Écriture et lecture : « “litteracy”, pratiques ordinaires, pratiques lettrées » – in : F. Grossmann (éd.) Pratiques langagières et didactiques de l’écrit. Hommage à Michel Dabène (75-94). Grenoble : Lidilem-Université Stendhal.
Fijalkow J., & Vogler J. (2000) « Vous avez dit “littéracie” ? » – in : V. Leclercq et J. Vogler (éds.) Maitrise de l’écrit : quels enjeux et quelles réponses aujourd’hui ? Paris : L’Harmattan.
Fraenkel B. & Mbodj A. (2010) Langage & Société 133.
Grossmann F. (1999) « Littératie, compréhension et interprétation des textes » – Repères 19 (139-166).
Privat J.-M. & Kara M. (2006) La littératie. Autour de Jack Goody – Pratiques 131-132.
Reuter Y. (2006) « A propos des usages de Goody en didactique. Élement d’analyse et de discussion » – Pratiques 131-132 (131-154).

Calendrier et procédure

  réception des projet d’articles (résumé d’une page) : 15 décembre 2012
  signification aux auteurs que leur projet est retenu : 30 janvier 2013
  réception de l’article (30 000 signes, tout compris) : 1° avril 2013
  communication des avis des experts : 30 mai 2013
  réception de l’article définitif : 30 septembre 2013
  livraison du numéro : décembre 2013
  publication : janvier 2014
Nous attendons pour le 15 décembre 2012 un résumé d’une page présentant le projet d’article envisagé. Vous veillerez à y indiquer précisément :
  vos noms, prénoms
  votre institution
  votre adresse postale professionnelle et une adresse électronique
  un titre d’article
  quelques mots-clés.
  Un texte court précisant aussi clairement que possible la/les question(s) que vous envisagez de traiter, le cadre théorique dans lequel vous vous inscrivez, les choix méthodologiques et les données sur lesquelles vous travaillez, ainsi que quelques résultats, même très provisoires.
NB : si vous souhaitez envoyer un article développé dès cette première échéance, nous le lirons avec la même attention.
Les propositions sont à envoyer en fichier attaché (en format .doc ou .docx) à
isabelle.delcambre@free.fr
mcpollet@ulb.ac.be

L’intitulé du fichier sera rédigé ainsi : Spirale53_votre nom.doc (ou .docx)

L’article attendu pour le 1er avril 2013 sera rédigé en suivant les conseils rédactionnels disponibles sur le site de la revue : http://spirale.lautre.net/spirale19/spirale/spip.php?article635


[1L’orthographe choisie, littéracie(s), repose sur un compromis entre la dérivation française (lettré, littérature) en ce qui concerne les -tt- et sur une évocation du terme anglais en ce qui concerne le -c- final (bien que cette finale –cie ne soit pas inconnue en français, voir superficie, pharmacie…). S’y ajoute le –s final dont la présence réfère à la diversité des pratiques désignées par ce terme (et des domaines de recherches concernés par l’ analyse de ces pratiques : linguistique, psycholinguistique, sociolinguistique, ethnologie, didactique, comme l’expose Jaffré (2004)) et dont l’absence signifierait au contraire une perspective généralisante.