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vendredi 25 février 2000

« Petite enfance et politique inclusive : quelle prise en compte du handicap ? »

Spirale – Revue de Recherches en Éducation

Appel à contributions pour le numéro thématique 57
(parution : janvier 2016)

Coordination : Martine Janner Raimondi
martine.janneratuniv-rouen.fr
Université de Rouen, ESPE, CIVIIC

En France, la loi du 11 février 2005 « Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la ci-toyenneté des personnes handicapées » parle de scolarisation mais pas explicitement d’inclusion. Il faut attendre la circulaire du 17 juillet 2009 pour qu’apparaisse ce mot. Pourtant, l’idée d’une éducation pour l’inclusion fut adoptée lors de la conférence mondiale à Salamanque (1994), puis au forum mondial sur l’éducation à Dakar (2000). Ce mouvement d’idée a conduit à modifier les législations dans bon nombre de pays de l’Union européenne (UE) qui visent à « une participation pleine et entière à la société, l’égalité des chances, la non-discrimination, une vie indépendante au sein de la communauté locale ; en bref : une citoyenneté pleine et entière pour toutes les personnes handicapées » (Plan d’action du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées 2006-2015). Cette unification juridique (Waldschmidt, 2009) s’est appliquée à des pays de traditions différentes quant à la scolarisation obligatoire : entre les pays du Nord et du Sud de l’Europe, comme la Suède, la Norvège, l’Italie et le Portugal, où la quasi totalité des enfants en situation de handicap sont scolarisés en école ordinaire et les pays où la prévalence des établissements et des classes spéciales reste importante, à l’exemple de la Belgique, de l’Allemagne et des Pays-Bas, certains pays se situent à un niveau intermédiaire parmi lesquels la France et la Pologne. Danielle Zay, dans son ouvrage de 2012, titre en introduction : « L’enjeu de l’éducation inclusive : préparer les futurs citoyens à s’entretuer ou à vivre ensemble ? ». C’est dire l’importance accordée à l’éducation inclusive et la prise en compte des élèves en situation de handicap ou relevant de besoins éducatifs particuliers désormais reconnus, comme pouvant non seulement lutter contre les discriminations mais également favoriser et améliorer l’éducation pour tous (Unesco, 1994 et 2001 ; Convention de l’ONU, 2006 ; Rapport Blanc, 2011 ; Rapport Chossy, 2011 ; Rapport Campion et Debré, 2012 ; Loi d’orientation et de programmation pour la Refondation de l’École de la République du 8 juillet 2013).
Ebersold (2009) rappelle combien le paradigme de l’école inclusive s’inscrit dans le droit fil des reven-dications des mouvements associatifs et des recherches – The Disability Studies – autour de la conception d’un modèle social du handicap permettant d’éviter l’exclusion et de considérer le rôle de l’environnement social dans la production ou l’aggravation du handicap, plutôt que dans le cadre d’un modèle médical ou de pathologie so-ciale, nécessitant une action curative et une ségrégation (Trépanier et Paré, 2010). Dès lors, comme le précisent Ebersold (2009) mais aussi Rousseau & Prud’homme (2010), le concept d’inclusion renvoie à l’exigence d’effi-cacité de tout le système éducatif tant en termes de réussite scolaire que d’inscription sociale pour tout élève. Denis Poizat (2004) évoque le passage à une pensée monde pour tirer un trait sur l’assignation à territoire de la différence et aller enfin vers le partage d’un monde. Ainsi, par-delà le modèle social qui mal compris pourrait tendre à faire disparaître les déficiences (Stiker, 1999), ne convient-il pas d’adopter le point de vue de Jouan (2013) préconisant un modèle social amendé de façon à éviter tout risque d’homogénéisation ?
Si, comme le souligne encore Serge Thomazet (2008, 133), « c’est à une véritable rupture avec les pratiques traditionnelles que l’école inclusive est invitée », alors l’accueil des enfants en situation de handicap devrait concerner tous les acteurs, permettant ainsi aux professionnels de ne pas se laisser enfermer dans des géné-ralisations ou des schématismes, comme le précise Gardou (1997/2000). Mais qu’en est-il en réalité ? Si une forte mobilisation politique sur la question de l’inclusion et du handicap est constatée, elle contraste, en revanche, avec une faible mobilisation dans le domaine de la recherche scientifique en ce qui concerne les jeunes enfants de la naissance à six ans.
C’est pourquoi ce numéro s’intéresse à cette période qui précède la scolarisation obligatoire (0-6 ans), à partir d’un éclairage sur les transformations induites dans le secteur de la petite enfance et de ses institutions (crèches, écoles maternelles) par l’inclusion des jeunes enfants en situation de handicap. Sachant que cette pé-riode concentre des moments décisifs de prise de conscience du diagnostic et d’aménagement de l’environnement familial et éducatif de l’enfant, l’élaboration du projet de vie et de scolarisation s’avère importante à considérer car c’est à ce stade que vont se nouer, plus ou moins aisément, les articulations entre approches éducative, médicale et médico-sociale selon les configurations organisationnelles propres à chacun des pays.
L’inclusion peut s’analyser d’un point de vue systémique (Michailakis et Reich, 2009) depuis les principes généraux (sociaux, juridiques et éthiques) jusqu’aux interactions éducatives et scolaires entre les professionnels et les enfants, ainsi qu’entre les enfants eux-mêmes, en passant par le rôle déterminant des établissements et des partenariats (Ebersold, 2009).
Les questions des rapports entre parents, professionnels généralistes et spécialisés dans les situations de handicap seront notamment examinées sous l’angle :
  des savoirs, de leur légitimité et de leur partage entre professionnels et parents ;
  des compétences collectives et organisationnelles nécessaires dans des situations de collaborations entre institutions ;
  des ressources théoriques et éthiques mobilisables pour envisager des formations conjointes des di-vers professionnels de l’accompagnement, de l’éducation et du soin des jeunes enfants.

Ce questionnement permet d’ouvrir plusieurs domaines d’enquête, qu’il s’agisse :
  des aptitudes que les professionnels non spécialisés dans le champ du handicap développent ou non, de façon à inscrire leur fonction dans une vision poly-systémique qui se préoccupe des interdépendances interinstitutionnelles et individuelles nécessaires à la réalisation du projet éducatif concernant l’enfant en situation de handicap ;
  des attitudes et des marques d’empathie qui peuvent être repérées, ou non, en lien avec les projets et les pratiques d’inclusion ;
  des relations établies ou non avec les parents et membres de la fratrie, les autres professionnels, comme avec l’enfant handicapé lui-même ;
  des stratégies de différenciation opérées ou non – ces mètis en écho aux ruses de l’intelligence de Detienne et Vernant (1974) repérées notamment auprès d’auxiliaires de puériculture en crèche – qu’elles soient d’ordre matériel, spatial, temporel, organisationnel, fonctionnel ou de l’ordre des adaptations pédagogiques et didactiques ;
  de la prise en compte ou non de l’environnement et des partenaires de l’enfant « handicapé » et de sa famille ;
  de l’approche critique du modèle inclusif, notamment par l’analyse des écarts entre discours sur l’inclusion et réalité des prises en compte.

Le paradigme de l’inclusion qui tend à se généraliser mérite d’être examiné de plus près. Des changements sont-ils repérables et si oui, à quel(s) niveau(x) le sont-ils et qu’en penser ? Les enfants sont-ils pris en compte pour eux-mêmes ? Les familles sont-elles entendues ? Les auxiliaires de puériculture et les éducatrices jeune-enfant participent-ils, et de quelle manière, aux décisions liées à la prise en compte des besoins spécifiques de l’enfant « handicapé » ? Les auxiliaires de vie scolaire (AVS) et les emplois vie scolaire (EVS) peuvent-ils développer des compétences dans leur mission d’accompagnement ? Le point de vue des enseignants de mater-nelle et agents territoriaux rattachés aux écoles maternelles (ATSEM) est-il sollicité, par qui, de quelle(s) manière(s) et en vue de quoi ? Les acteurs du social et de médico-social se soucient-ils de prendre en compte leurs partenaires pour construire le projet éducatif ? Il s’agit d’interroger ce qu’apporte le modèle de l’inclusion du point de vue de la prise en compte du jeune enfant.
Ce numéro offre donc l’opportunité de mettre en débat les acquis de recherche sur petite enfance et handicap dans le cadre de l’éducation inclusive dans plusieurs pays.

Mots-clés
Petite enfance ; handicap ; inclusion ; éducation ; savoirs professionnels ; parentalité.

Éléments de bibliographie
Conseil de l’Europe (2007) Améliorer la qualité de vie des personnes handicapées en Europe : participation pour tous, innovation, efficacité. Actes de la conférence. Saint-Pétersbourg, Fédération de Russie, 21-22 sep-tembre 2006.
Bedoin D. & Janner-Raimondi M. (coord.) (en cours, tapuscrit expertisé accepté avec modifications) Accueil de jeunes enfants en situation de handicap en crèche et maternelle. Grenoble : PUG.
Blanc P. (2011) Rapport au Président de la République « La scolarisation des enfants handicapés ».
Campion C.-L. & Debré I. (2012) Rapport d’information au nom de la commission pour le contrôle de l’application des lois (Sénat) « Loi Handicap : des avancées réelles, application encore insuffisante ».
Chossy J.-F. (2011) Rapport au premier ministre François Fillon « Passer de la prise en charge à la prise en compte ».
Détienne M. & Vernant J.-P. (1974) La ruse de l’intelligence : la mètis chez les Grecs. Paris : Flammarion.
Ebersold S. (2009) « Autour du mot “inclusion” » – Recherches & Formation 61 (71-83).
Gardou C. (dir.) (1997/2000) Professionnels auprès des personnes handicapées. Toulouse : Érès.
Jouan M. (dir.) (2013) Voies et voix du handicap. Grenoble : PUG.
Michailakis D. & Reich W. (2009) « Dilemnas of inclusive education » – ALTER, European Journal of Disabili-ty Research 3 (24-44).
Poizat D. (dir.) (2004/2012) Éducation et handicap. D’une pensée territoire à une pensée monde. Toulouse : Érès.
Rousseau N. & Prud’homme L. (2010) « C’est mon école à moi aussi… Caractéristiques essentielles de l’école inclusive » – in : N. Rousseau (dir.) La pédagogie de l’inclusion scolaire. Pistes d’action pour apprendre tous ensemble (9-46). Québec : Presses de l’Université Québec.
Stiker H.-J. (1999) « Quand les personnes handicapées bousculent les politiques sociales » – Esprit décembre 1999 (75-106).
Trépanier N. S.& Par M. (2010) Des modèles de service pour favoriser l’intégration scolaire. Québec : Presses de l’Université du Québec.
Waldschmidt A. (2009) « Disability policy of the European Union : The supranational level » – ALTER, Euro-pean Journal of Disability Research 3 (8-23).
Zay D. (2012) L’éducation inclusive : une réponse à l’échec scolaire ? Paris : L’Harmattan.
Loi n°2005-102 du 11 février 2005.
Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture – UNESCO (1994) Déclaration de Salamanque et analyse. Paris : UNESCO.
Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture – UNESCO (2001) Open file on inclu-sive education : support materials for managers and administrators. Paris : UNESCO.
Organisation des Nations Unies (2006) Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handi-capées (CDPH). New-York : Organisation des Nations Unies.
Thomazet S. (2008) « L’intégration a des limites, pas l’école inclusive ! » – Revue des Sciences de l’Éducation 34, 1 (123-139).

Calendrier

  Réception des projets d’articles (Résumé d’une page) : 31 décembre 2014
  Signification aux auteurs pour la sélection de leur projet : 31 janvier 2015
  Réception des articles (30 000 signes, tout compris) : 30 avril 2015
  Communication des avis des experts : 30 juin 2015
  Réception de l’article définitif : 30 septembre 2015
  Livraison du numéro : novembre 2015
  Parution : janvier 2016

Consignes aux auteurs

Pour le 31 décembre 2014, envoyer un résumé d’une page présentant le projet d’article prévu. Indiquer :
 Nom, prénom,
 institution de rattachement,
 adresse postale professionnelle et adresse électronique,
 titre de l’article,
 mots clefs,
 Un résumé précisant très clairement le questionnement envisagé, le cadre théorique dans lequel il s’inscrit ainsi que les choix méthodologiques et les données recueillies ainsi que quelques éléments d’analyse, même s’ils sont provisoires.

NB : Il est possible d’envoyer, dès la première échéance, un article développé.

Les propositions sont à envoyer en fichier attaché au format. doc ou. docx par courriel à :
martine.janner@univ-rouen.fr
Merci d’intituler vos fichiers comme suit : Spirale57_nom. doc (ou. docx).

L’article dans sa version complète définitive devra suivre les recommandations de style et les conseils rédaction-nels disponibles sur le site de la revue : http://spirale.lautre.net/spirale19/spirale/spip.php?article635