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vendredi 25 février 2000

Apprendre, enseigner en lycée professionnel : pratiques, dispositifs et contenus

Appel à contributions pour un numéro thématique n° 59 (parution : janvier 2017)

Apprendre, enseigner en lycée professionnel : pratiques, dispositifs et contenus

Coordination : D. BART & X. SIDO Université de Lille3, Théodile-CIREL

Si à la fin des années 1980, Caspard (1989) avait pu déclarer que l’enseignement professionnel était un « chantier déserté » par la recherche, Tanguy (2000) pouvait néanmoins souligner une décennie plus tard combien les recherches sur ce domaine s’étaient multipliées depuis lors. Constat que les observations de Feyant (2006) ne semblent pas démentir puisque la voie professionnelle est l’une des plus fréquentes thématiques des thèses de sociologie de l’éducation enregistrées entre 2003 et 2005. Plus récemment, l’activité éditoriale montre également une certaine vitalité sur ces questions avec les publications de Brucy, Maillard et Moreau (2013), Depoilly (2014) ou Jellab (2014) pour ne prendre que quelques titres significatifs.
Une recension des travaux menés (Sido, 2006) a permis de montrer que les principaux axes de recherche développés concernant cette filière adoptent plutôt de larges focales d’investigation sur les plans temporels ou structurels, qu’il s’agisse de reconstruire l’histoire de l’enseignement professionnel (e.g. Pelpel & Troger, 2001) ou celle de son organisation et de ses programmes (e.g. Sido, 2011), d’analyser les relations formation-emploi (e.g. Paul & Rose, 2008), d’étudier la place des filières professionnelles et de ses acteurs dans le fonctionnement hiérarchisé du système scolaire (e.g. Palheta, 2012). D’autres investigations explorent plus spécifiquement les fonctionnements caractéristiques des terrains d’enseignement professionnel en étudiant les rapports aux savoirs des élèves qui les fréquentent (Charlot, 1999), en décrivant les enjeux liés à l’exercice du métier dans ces établissements (Coste, 2015) ou en analysant les pratiques pédagogiques des enseignants aux prises avec les formes spécifiques de rapport aux études des lycéens d’établissement professionnels (Jellab, 2005).
La question des savoirs et contenus d’apprentissage en lycées professionnels semble par contre avoir été plus rarement abordée par les recherches, particulièrement didactiques, qui s’intéressent centralement pourtant à la construction des contenus d’enseignement et d’apprentissage. Ainsi, pour le français, Callone (2005) montre que les travaux concernant les enjeux de cet enseignement, à l’école primaire, au collège ou encore au lycée général abondent mais qu’ils sont plus rares pour la voie professionnelle. De même les principaux travaux qui s’intéressent aux spécificités de la discipline français dans le secondaire professionnel (les numéros 37 et 96 de la revue Le français aujourd’hui pour les filières techniques ; Ropé, 1991) ont plus de vingt ans ; notons toutefois une résurgence de recherches sur cette discipline, qu’il s’agisse des particularités du métier d’enseignant de français en lycée professionnel (Lopez, 2010) ou de l’enseignement de la littérature et de la lecture dans ces établissements (Belhadjin, 2009 ; Belhadjin et al., 2012). Pour les sciences et les mathématiques, Mar- tinand (1985), Caillot (2002), Straβer (2008) et Sido (2011) soulignent que les chercheurs universitaires en didactique des sciences ont peu exploré l’enseignement professionnel. Néanmoins, la question de l’inscription de certaines de ces matières dans les cursus professionnels et de leurs contributions possibles à ces formations a pu être étudiée, par exemple Bessot et al. (2000) pour les mathématiques, tandis qu’Auxire et al. (2014) s’intéressent au traitement d’un contenu mathématique singulier (les vecteurs) dans trois disciplines différentes de la filière productique.
En outre, il semble que les recherches sur les processus d’enseignement et d’apprentis- sage dans le secondaire professionnel se caractérisent par leurs visées praxéologiques. En di- dactique des mathématiques, Sido (2011) montre ainsi que les travaux menés, principalement par les Instituts de Recherches sur l’Enseignement des Mathématiques (IREM), portent sur l’élaboration de nouvelles méthodes d’enseignement et d’apprentissage pensées en fonction de spécificités et difficultés (plus ou moins interrogées) des élèves concernés. Il s’agit donc surtout de recherches qui trouvent leur origine dans des préoccupations professionnelles et sont orientées vers une appropriation des connaissances et plus récemment sur l’opérationna- lité des programmes de maths-sciences (Jouin, 2000 ; Szczygielski, 2008). Cette perspective praxéologique se retrouve aussi dans des travaux rendant compte du fonctionnement d’enseignement et d’apprentissage de contenus particuliers dans ces filières : par exemple l’algèbre avec Grugeon (1995) ou la lecture de graphiques (Bessot et al., 1993) en mathématiques, ou, plus récemment, l’argumentation dans les cours de français, d’histoire, de géographie et d’éducation civique par des chercheurs de différentes didactiques (Considère & Liénard, 2013, Delcambre & Luczak, 2014).
Une trentaine d’années après la création du baccalauréat professionnel, ce numéro de Spirale ambitionne donc de mettre en avant les recherches qui « (r)entrent » dans des classes de lycées professionnels, les recherches qui observent et analysent des enseignants et/ou des élèves au travail, au prise avec des savoirs à apprendre, des savoir-faire à enseigner, des connaissances à évaluer, des compétences à acquérir, etc. Il s’agira alors non pas de promouvoir dans une perspective de remédiation telle ou telle forme pédagogique, telle ou telle technique d’enseignement, mais d’interroger des pratiques et contenus construits dans des classes de lycées professionnels en vue d’éclairer des situations d’enseignement/apprentissage à l’œuvre dans ces établissements, y compris en faisant appel à des comparaisons diachroniques ou synchroniques. Les questionnements ci-dessous peuvent constituer quelques perspectives possibles parmi d’autres :
  Quels effets ont les injonctions officielles en faveur d’une approche par compétences, les exigences certificatives et les enjeux de la professionnalisation (Troger, 1994) sur la structuration, l’organisation et la distribution des contenus ?
  En quoi ces organisations de contenus ont des effets spécifiques sur la cons- truction des dispositifs pédagogiques et la circulation des savoirs, compétences, savoir- faire, etc. disciplinaires chez les élèves et les enseignants de lycées professionnels ?
  Quelles sont les configurations de pratiques d’enseignants et/ou d’élèves observables dans ces filières dans le cadre de la prise en charge de quels contenus d’apprentissage spécifiques ? Quels rapports particuliers entre contenus et acteurs construisent ces pratiques ? Quelles fonctions des matières se produisent (Martinand, 1994) ?
  Quelles mises en tension spécifiques des pratiques et disciplines d’enseignement constitue la voie professionnelle, que ces tensions soient liées aux particularités de cette voie (alternance cours-période de formation en milieu professionnel, bivalence des enseignants, etc.) ou liées à l’actualisation de problématiques a priori communes à tout système de formation (insertion professionnelle, poursuite d’étude, contrôle en cours de formation, ins-

cription des enseignements dans un curriculum, etc.) ? Quelles sont les formes particulières des rapports entre scolaire et extrascolaire qui se construisent dans les enseignements de la voie professionnelle ? Quelles figures d’élève promeut ce travail des contenus (sujet scolaire, apprenant, futur professionnel…) ?
  Comment ces formations invitent à reconsidérer ces oppositions binaires (géné- ral/professionnel ; théorie/pratique ; utilitaire/culturel ; conceptuel/manuel ; abstrait/concret…) à la fois sur le plan des contenus, des dispositifs, des approches, etc. ?
  Quels sont encore les ressorts des discours de (dis) qualification (scolaire, dis- ciplinaire…) des élèves et de leurs enseignants et en quoi varient-ils selon les éléments cognitifs visés ? En quoi ces ressorts se construisent-ils dans des pratiques langagières de la classe ou s’instituent-ils dans des supports pédagogiques spécifiques (manuels, évaluations, affichages…) ?
Mais ce numéro de Spirale se voudrait également un espace de dialogue critique sur les moyens théoriques et méthodologiques dont se dotent les communautés de recherche pour investiguer l’enseignement professionnel. Ainsi, tout en présentant des données et résultats de recherches, les articles pourraient donner lieu à toute une série de discussions et questionnements réflexifs dont on trouvera un aperçu limité ci-après :
  Quels sont les effets possibles d’une thématisation des domaines de recherche plus ou moins dépendante de catégories avant tout institutionnelles (e.g. les dénominations de filières, diplômes, matières…) ? Comment interroger les usages de telles catégories de discours et leurs effets par exemple sur la reconstruction par la recherche des performances des élèves ou de leur caractérisation (e.g. les « élèves en difficulté-s » orientés vers les voies professionnelles, élèves « concrets ») ?
  En quoi mener des recherches dans les filières professionnelles permet de pen- ser les limites de concepts et d’approches théoriques en éducation ? Permettent-elles d’éclairer des implicites culturels mus par une forme « d’ethnocentrisme » disciplinaire et scolaire ? En quoi les lycées professionnels constituent des terrains d’investigation spécifique ou non sur le plan des recueils de données ou de leurs analyses ? Y a-t-il des problèmes ou biais méthodologiques qui se posent singulièrement à l’enquêteur dans ce type d’espaces scolaires décrits comme marginalisés, dominés ou disqualifiés par exemple en pesant sur les formes d’interaction entre enquêteur et enquêtés ?
  En quoi segmenter théoriquement le professionnel et le général, penser l’un sans l’autre ou circonscrire l’un sans se soucier de l’autre, ne risque-t-il pas finalement d’empêcher de voir leur nécessité commune, de maintenir dans l’ombre ce que le fonctionnement de l’un doit à l’autre (e.g. Baudelot & Establet, 1972) y compris dans un découpage des pratiques et contenus d’enseignement ?

Calendrier
  Réception des projets d’articles (Résumé d’une page) : 04 janvier 2016
Cette proposition d’une page présentera le projet d’article. Elle précisera la/les question(s) que l’article se propose de traiter, le cadre théorique dans lequel il s’inscrit, les choix méthodologiques et les données d’enquêtes sur lesquelles il s’appuie, ainsi que quelques résultats, même provisoires. Merci de préciser également :
  - quelques mots-clés en plus du titre de l’article
  - vos noms, prénoms
  - votre institution
  - votre adresse postale professionnelle et une adresse électronique
  NB : un article développé (30 000 signes tout compris) peut être envoyé dès cette première échéance, sans présager de son acceptation.
  Signification aux auteurs pour la sélection de leur projet : 31 janvier 2016
  Réception des articles (30 000 signes, tout compris) : 30 avril 2016

  Communication des avis des experts : début juillet 2016
  Réception de l’article définitif : 30 septembre 2016
  Livraison du numéro : Décembre 2016
  Parution : Janvier 2017

Les propositions sont à envoyer en fichier attaché (en format. doc ou. docx) par mail à : daniel.bartatuniv-lille3.fr
xavier.sidoatuniv-lille3.fr

L’article sera rédigé en suivant les conseils rédactionnels et les normes bibliographiques pro- pres la revue : http://spirale-edu-revue.fr/spip.php?article635

Liste des références

Auxire N., Biagioli N. & Lozi R. (2014) « Analyse de discours d’enseignants de différentes disciplines de lycées professionnel à propos de l’enseignement des vecteurs » – Spirale 54 (103-128).
Baudelot C. & Establet R. (1972) L’école capitaliste en France. Paris : Maspero.
Belhadjin A., Bourhis V. & Denizot N. (2012) « Lecture écran, lecture papier : discours d’élèves de lycée professionnel » – Études de Linguistique Appliquée 165 (199-214).
Belhadjin A. (2009) « La place de la littérature de genre dans l’enseignement du français en LP » – in : B. Louichon et A. Rouxel (éds.) La littérature en corpus : corpus implicites, explicites, virtuels (251-260). Dijon : CRDP de Bourgogne.
Bessot A., Deprez S., Eberhard M. & Gomas B. (1993) « Une approche didactique de la lecture de graphismes techniques en formation professionnelle de base aux métiers du bâtiment » – in : A. Bessot et P. Vérillon (éds.) Espaces graphiques et graphismes d’espaces. Contribution de psychologues et de didacticiens à l’étude de la construction de savoirs spatiaux (115-144). Grenoble : La Pensée Sauvage.
Bessot A., Dorier J.-L., Deprez S. & Eberhard, M. (2000) « Pertinence et utilité de savoirs mathématiques dans des cursus éducatifs non strictement mathématiques » – Les Cahiers Leibniz 13.
Brucy G., Maillard F. & Moreau G. (éds.) (2013) Le CAP : un diplôme du peuple (1911-2011). Rennes : PUR.
Caillot M. (2002) « Sciences, techniques et pratiques professionnelles » – Aster 3 (3-8).
Calonne M. (2005) « Autour de quelques enjeux du français en Lycée professionnel » – Recherches 43 (131- 137).
Caspard P. (1989) « Un chantier déserté : l’histoire de l’enseignement technique » – Formation Emploi 27-28 (193-197).
Charlot B. (1999) Le rapport au savoir en milieu populaire. Une recherche dans les lycées professionnels de banlieue. Paris : Anthropos-Economica.
Considère S. & Lienard O. (2013) « Argumenter, c’est quoi, pour toi ? » – Communication au colloque AREF 2013, Montpellier, Université Montpellier 2, 27-30 août 2013.
Coste S. (2015) « Nouvelle professionnalité des enseignants d’éducation physique et sportive en lycée professionnel. Bonne distance, séquençage et extériorisation des règles du travail scolaire » – Recherches en Éducation 21 (167-177).
Delcambre I. & Luczak F. (2014) « L’écriture argumentative au Bac Pro et en BTS : qu’en disent les élèves ? » – Recherches 61 (7-31).
Depoilly S. (2014) Filles et garçons au lycée pro. Rapport à l’école et rapport de genre. Rennes : PUR.
Feyant A. (2006) « Observatoire des thèses concernant l’éducation » – Perspectives Documentaire en Éducation 62 (110-119).
Grugeon B. (1995) Étude des rapports institutionnels et des rapports personnels des élèves à l’algèbre élémentaire dans la transition entre deux cycles d’enseignement : BEP et Première G. Thèse, Université Paris VII.
Jellab A. (2005) « Les enseignants de lycée professionnel et leurs pratiques pédagogiques : entre lutte contre l’échec scolaire et mobilisation des élèves » – Revue Française de Sociologie 46/2 (295-323).
Jellab A. (2014) L’émancipation scolaire. Pour un lycée professionnel de la réussite. Toulouse : Presses univer- sitaires du Mirail.
Jouin B. (2000) Problèmes de l’enseignement des sciences physiques en lycée professionnel dans leur fonction de « discipline de service » par rapport à la technologie dans le domaine de la mécanique automobile. Thèse, ENS Cachan.
Le Français Aujourd’hui (1977) « Un autre réseau : le technique », 37.
Le Français Aujourd’hui (1991) « Le Français dans le technique », 96.
Lopez L. (2010) « Enseigner le français en lycée professionnel : quels changements dans le métier ? » – Le Français Aujourd’hui 171 (49-60).
Martinand J.-L. (1985) « Réflexions de M. Martinand de l’université Paris-Sud » – Bulletin de Liaison des Professeurs Maths-Sciences de Lycées Professionnels 1 (4- 6).
Martinand J.-L. (1994) « La didactique des sciences et de la technologie et la formation des enseignants » – Aster 19 (61-76).
Palheta U. (2012) La domination scolaire. Paris : PUF.
Paul J-.J. & Rose J. (éds.) (2008) Les relations formation-emploi en 55 questions. Paris : Dunod.
Pelpel P. & Troger V. (2001) Histoire de l’enseignement technique. Paris : L’Harmattan.
Ropé F. (1991) « Fonctions sociales de l’enseignement professionnel et enseignement du français » – Pratiques 71 (69-77).
Sido X. (2006) Répertoire des recherches sur l’enseignement professionnel. Dossier de synthèse de la VST, février. Lyon : Institut national de recherche pédagogique (INRP).
http://ife.ens-Lyon.fr/vst/Synthese/detailsDossier.php?parent=accueil&dossier=7&lang=fr
Sido X. (2011) « L’expertise et les acteurs de terrain dans le cas de l’enseignement des maths-sciences dans la formation professionnelle scolarisée » – in : J. Lebeaume, A. Hasni et I. Harlé (éds.) Recherches et ex- pertises pour l’enseignement scientifique : technologie, sciences, mathématiques (29-39). Bruxelles : De Boeck.
Straβer R. (2008) « A propos de la transition du secondaire vers le monde du travail » – in : I. Bloch et A. Rouchier (éds.) Perspectives en didactique des mathématiques. Grenoble : La Pensée Sauvage.
Szczygielski C. (2008) Le schéma en électricité : éléments d’histoire et problèmes didactiques. Thèse, Université des sciences et techniques du Languedoc.
Tanguy L. (2000) « Histoire et sociologie de l’enseignement technique et professionnel en France : un siècle en perspective » – RFP 131 (97-127).
Troger V. (1994) « Un éclairage historique du métier d’enseignant : l’expérience de l’enseignement professionnel » – Spirale 13 (113-128).