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mars 1996

MARCOIN Francis « La lecture littéraire : une didactique de l’invisible ? » - Spirale 3 (1990)

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École et littérature, en France, forment depuis longtemps un couple agité, à la fois antagoniste et inséparable : d’une part l’académisme propre à tout enseignement semble incompatible avec le travail littéraire de subversion opéré sur la langue et sur la société, d’autre part, c’est l’école qui assure à la littérature l’essentiel de son statut.
Lautréamont, Rimbaud, les surréalistes, construisent leur oeuvre contre, c’est-à-dire en référence à la tradition scolaire. Le Premier manifeste du Surréalisme exalte l’enfance, « qui approche le plus de la vraie vie » : « une oeuvre d’art digne de ce nom est celle qui nous fait retrouver la fraîcheur d’émotion de l’enfance ». La comptine littéraire, notamment, est chargée de retrouver cette fraîcheur en s’opposant à la rhétorique ou au rationalisme. Curieusement, l’école s’est alignée sur cette démarche, substituant la comptine, ainsi que des « jeux poétiques », au modèle poétique forgé principalement par les Romantiques : les Chantefables de Desnos figurent aujourd’hui au premier rang des « récitations », et l’on feint de croire au caractère naturel d’un genre qui ne participerait pas de la littérature.
Étudiant ces comptines littéraires dans Les français fictifs, Renée Balibar y retrouve en fait, subverti, le modèle de phrase de l’école primaire : ainsi, dans Une sardine de Royan, « la terre est ronde » peut être lue comme une phrase tirée du manuel de géographie mais sortie de son contexte, révélant d’abord un « état de culture secondaire supérieur » fort éloigné du véritable fonctionnement de la comptine traditionnelle, chargée d’intentions didactiques comme compter, mémoriser les heures, les jours de la semaine, etc.

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