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vendredi 8 septembre 2023

Appel à contributions
Spirale
75 (février 2025)

Apprentissages et formes de réversibilités des vulnérabilités en contexte éducatif pluriel

Spirale – Revue de Recherches en Éducation

Appel à contributions pour le numéro thématique 75
(février 2025)

Apprentissages et formes de réversibilités des vulnérabilités
en contexte éducatif pluriel

Carole BAEZA, Université Sorbonne Paris Nord (EXPERICE)
Cécile FONTAINE, Université de Lille (CIREL)
Chiara BIASIN, Université de Padoue (FISPPA)

Dans le langage des sciences humaines et sociales comme dans celui des politiques publiques, le terme « vulnérabilité » s’applique à des réalités et à des thématiques multiples. Génard voit dans cette montée en puissance du vocabulaire de la vulnérabilité une « transformation des coordonnées anthropologiques, c’est-à-dire des grilles interprétatives à partir desquelles se construisent les représentations de l’humain » (Génard, 2009 : 28). La vulnérabilité traverse aujourd’hui le champ de l’anthropologie (Naepels, 2019), de la sociologie (Paugam, 2000), de la sociohistoire (Brodiez-Dolino, 2016), de la philosophie morale et politique (Honnet, 2000), du droit (Fabre-Magnan, 2018), de la géographie (Pottier & Barroca, 2013) ou encore des sciences environnementales (Beccera, 2012). Lorsque nous interrogeons les contextes dans lesquels s’exprime la vulnérabilité, nous pensons en premier lieu à notre condition humaine, à notre fini-tude, à la maladie. La vulnérabilité est ainsi le résultat visible et concret de toute fragilité humaine. Cette vulnérabilité existentielle peut être accentuée par les vulnérabilités sociales et politiques au travers de processus de disqualification, de désaffiliation ou de stigmatisation (Garrau, 2018), susceptibles de mettre à mal l’intégrité physique, psychologique ou affective des personnes, mais aussi leur sentiment de citoyenneté. Dans un contexte sociétal où l’individualisme tient une place particulièrement saillante, chacun détiendrait la clé de son autonomie et de sa réussite, la vulnérabilité serait dans ce cas une affaire de responsabilités individuelles où le citoyen bénéficiaire de l’action publique est un sujet entrepreneur, capable de faire face à son destin et de mobiliser ses ressources propres, le rôle de l’action publique consistant à lui donner les moyens de restaurer « ce gouvernement de soi » (Milburn, 2013). Cette conception de la vulnérabilité est largement questionnée notamment par les théoricien.nes du care (Tronto, 2009), pour lequel.les cette dernière est fondamentalement relationnelle puisque nous sommes, en tant qu’êtres sociaux, plus ou moins dépendants les uns des autres. La vulnérabilité varie alors en fonction des politiques publiques, comme du contexte social, des ressources ou encore du pouvoir d’agir des protagonistes (Goodin, 1985). Cette interdépendance peut toutefois s’inscrire dans des relations sociales asymétriques, d’assujettissement voire de domination, questionnant par là même l’idée de Société Juste (Ricœur, 2001).
L’accompagnement des publics en situations de vulnérabilités se pose donc comme une question vive dans les domaines de l’éducation scolaire (Bovey, 2015) et inclusive (Gardou, 2006), de la formation (Maia-Vasconcelos, 2015), de l’éducation en santé (Baeza, 2020), de l’accompagnement à l’emploi (Pagoni & Fischer, 2020 ; Biasin, 2021) ou encore de la démocratie en santé (Janner-Raimondi, Baeza, Arborio & Fontaine, à paraître 2023). Les discours et les actions des personnes en situations de vulnérabilités sont au cœur des dispositifs de formation et de recherche, cherchant par là à favoriser l’empowerment et l’amélioration des conditions de vie de ces mêmes personnes. Quel(s) chemin(s) prennent-elles pour réussir à sortir de leur situation de vulnérabilité ? Quelle(s) forme(s) de « pédagogie de la vulnérabilité » (Point, 2020) peuvent être mises en œuvre, dans le but de susciter « un changement social positif et favorable à la collectivité » (Mc Hugh, 2015 : 138) ?
Cette réflexion sur les vulnérabilités croise la question du statut des savoirs et de leur développement dans un processus d’accompagnement. Bien que pris dans des situations de vulnérabilités multiples, les acteurs font preuve d’agentivité et élaborent des savoirs (intelligibles, pra-tiques, sensibles…) liés à leurs différentes expériences, qui sont autant de ressources déployées face aux difficultés quotidiennes. Pour autant, ces savoirs d’expériences ne sont pas toujours reconnus ou valorisés. Le champ du savoir est en effet souvent dessiné par des rapports de pouvoir, dans lesquels certains savoirs sont privilégiés et d’autres délégitimés. Le doute est alors jeté sur la capacité de certaines personnes ou groupes sociaux, en fonction des préjugés identitaires qu’ils subissent (Fricker, 2007), à produire un savoir à partir de leurs expériences. Ces inégalités épistémiques sont à mettre en lien avec les inégalités sociales (Godrie & Dos Santos, 2017). En effet, la voix des personnes vulnérables n’est souvent pas entendue, ni prise en compte par le corps social et politique. Accorder toute leur place aux savoirs expérientiels (Dewey 1968) est alors une condition fondamentale de la démocratie épistémique (Medina, 2013). Comment, dès lors, traduire ces expériences vécues des « vulnérables », des « exclus », en savoirs valorisés ? Quelle place leur donner dans l’accompagnement des personnes ? De quelle(s) manière(s) les concepts de « savoirs inconfortables » (Déplaude, 2017), « transformateurs » (Mezirow, 2000 ; Taylor et Cranton, 2012), « situations d’apprentissage informel » (Brougère, 2019) ou encore de « savoirs sensibles » (Baeza, 2023) et de « savoirs sociaux » (Lave & Wenger, 1999), nous invi-tent à réfléchir à l’émergence de nouveaux savoirs à partir desquels déconstruire les rapports de de domination ?
Nous proposons dans ce numéro thématique de nous intéresser aux apprentissages et aux formes de réversibilité des vulnérabilités en contexte éducatif pluriel. Notre hypothèse de travail est la suivante : si certains évènements de la vie peuvent nous rendre vulnérables, les sentiments et/ou les situations de vulnérabilités peuvent toutefois être réversibles ou réparés. Nous souhaitons à partir des différentes paroles de vulnérabilités exprimées par les acteurs, interroger et rendre visible la variété des savoirs de résistance et de résilience narrés et mis en actes, en donnant toute leur importance aux processus d’apprentissage en contexte éducatif et formatif. Une actualité des recherches en sciences humaines et sociales permettra de penser la notion de situations de vulnérabilités à travers le prisme des apprentissages expérientiels de l’engagement dans l’action et du vécu des publics, des professionnels, des chercheurs. Elles peuvent impliquer les publics usagers en situations de vulnérabilités (socio-économique, environnementale, sanitaire, éducative, existentielle…) que les professionnels des métiers de la relation à autrui et les chercheurs confrontés à cette vulnérabilité. Les champs concernés pourront être ceux de la santé, du travail social, de la lutte contre l’exclusion et la précarité sociale et professionnelle, de l’éducation scolaire, de l’orientation et de la formation tout au long de la vie.
Les contributions viseront à explorer cette variété de savoirs entendus comme des sa-voirs de résilience, de résistance, d’innovation et/ou de créativité. Ces savoirs pourront eux-mêmes être questionnés dans une perspective de développement réciproque critique en lien avec les processus d’intervention dans les métiers de la relation à autrui. Les démarches de recherche qualitatives de type compréhensive voire participative retiennent toute notre attention. Les propositions pourront se fonder sur des enquêtes empiriques en contextes variés (espaces institu-tionnels, associatifs, de formation, professionnels, publics, privés…), être centrées sur des enjeux de théorisation en éducation/formation ou encore aborder des questions éthiques. Les contributions internationales de nos collègues francophones sont les bienvenues et seront l’occasion de présenter des terrains d’enquête à l’étranger et les points de vue et pratiques qui s’y rattachent, afin de densifier la réflexion ouverte dans ce numéro.
Les propositions d’article pourront s’appuyer sur les questions suivantes :
  Quelles formes prennent les savoirs de vulnérabilité et de résilience ? Quelles en sont leurs déclinaisons ? Comment sont-ils élaborés ?
  Comment et par quels dispositifs éducatifs ou de recherche peuvent-ils être rendus visibles ? Quels en sont les obstacles et les facilitations ? Quels en sont les déterminants, les mécanismes et les transferts possibles ?
  Quel vécu de la vulnérabilité de l’autre pour les chercheurs ? Quelles conséquences sur la construction de l’objet de recherche et la posture du chercheur qui se fait « la voix » des publics dits vulnérables ?
  Peut-on faire référence à une dimension formatrice de la vulnérabilité ? À partir de quelles conditions, notions et pratiques peut-on parler d’une pédagogie de la vulnérabilité ? Dès lors, de quelles valeurs épistémologiques, éducatives et émancipatrices serait-elle porteuse ?

Bibliographie

Baeza C. (2020) « Expérience sensible, métaphores vives et soin de soi en Hémophilie » – Questions Vives 34.
https://doi.org/10.4000/questionsvives.5420
Baeza C. (2023) Apprendre du sensible. Paris : Connaissances et Savoirs.
Baeza C., Gross O., Lansade G. et Mozziconacci V. (2020) « Situations de vulnérabilité : paroles, savoirs, pouvoirs » – Les Cahiers du CERFEE 57.
https://doi.org/10.4000/edso.12222
Biasin C. (2021) « Adulti senza lavoro e vulnerabilità : tra precarietà professionale e potenzia-lità formativa » – in : S. Polenghi et al. La responsabilità della pedagogia nelle trasformazioni dei rapporti sociali (316-323). Lecce : Pensa MultiMedia.
Beccera S. (2012) « Vulnérabilité, risques et environnement : l’itinéraire chaotique d’un paradigme sociologique contemporain » – VertigO - La revue électronique en sciences de l’environnement 12, 1.
https://doi.org/10.4000/vertigo.11988
Bovey L. (2015) « Des élèves funambules. Être, faire et trouver sa place en situation d’intégration » – Cahiers des Sciences de l’Éducation 136.
Brodiez-Dolino A. (2016) « Le concept de vulnérabilité » – La Vie des idées.
https://laviedesidees.fr/Le-concept...
Brougères G. (2019) « Apprentissages informels » – in : C. Delory-Momberger (dir.) Vocabu-laire des histoires de vie et de la recherche biographique (22-25). Toulouse : Érès.
Déplaude M-O. (2017) « Neutraliser des savoirs inconfortables. L’exemple du Comité des salines de France » – Savoir/Agir 41, 3 (23-28).
Fabre Magnan M. (2018) L’institution de la liberté. Paris : PUF.
Gardou C. (2006) Fragments sur le handicap et la vulnérabilité. Pour une révolution de la pensée et de l’action. Toulouse : Érès.
Fricker M. (2007) Epistemic Injustice. Oxford : Oxford University Press.
Garrau M. (2018) Politique de la vulnérabilité. Paris : CNRS.
Génard J-L. (2009) « Une réflexion sur l’anthropologie de la fragilité, de la vulnérabilité et de la Souffrance » – in : T. Périlleux et J. Cultiaux (dir.) Destins politiques de la souffrance (27-45). Toulouse : Érès.
Godrie B., Dos Santos M. (2017) « Présentation : inégalités sociales, production des savoirs et de l’ignorance » – Sociologie et Sociétés 49, 1 (7-31).
https://doi.org/10.7202/1042804ar
Goodin R. (1985) Protecting the Vulnerable. A Reanalysis of Our Special Responsibilities. Chicago : University of Chicago Press.
Honnet A. (2000 [1992]) La lutte pour la reconnaissance. Paris : Cerf.
Janner-Raimondi M., Baeza C., Arborio S. & Fontaine C. (2023, à paraître) Recherches participatives en santé. Regards et expertises croisées pour une démocratie en santé. Paris : L’Harmattan.
Maia-Vasconcelos S. (2015) « Orthodoxie et hétérodoxie en récits de formation : une expérience brésilienne auprès d’adultes en reprise d’études » – Chemins de Formation 19 (241-250).
Mc Hugh N. (2015) The Limits of Knowledge : Generating Pragmatist Feminist Cases for Situated
Knowing.
Albany : SUNY Press.
Mezirow J. (ed.) (2000) Learning as Transformation : Critical Perspectives on a Theory in Progress.
San Francisco : Jossey-Bass
Milburn P. (2013) « La catégorie de vulnérabilité et la question sociale ou le ressort d’une nouvelle Gouvernementalité » – in M. Bresson, V. Géronimi et N. Pottier (dir.) Vulnérabilité : questions de recherches en sciences sociales (165-176). Fribourg : PU de Fri-bourg.
Naepels M. (2019) Dans la détresse. Une anthropologie de la vulnérabilité. Paris : éditions de l’EHESS.
Paugam S. (2000 [1991]) La disqualification sociale. Essai sur la nouvelle pauvreté. Paris : PUF.
Pagoni M. & Fischer S. (2020) « Développer l’autonomie pour faire face aux vulnérabilités ? Le cas de l’accompagnement au Conseil en Evolution Professionnelle à Pôle Emploi » – Éducation et Socialisation - Les Cahiers du CERFEE 57.
https://doi.org/10.4000/edso.12368
Point C. (2020) « Pour une pédagogie de la vulnérabilité » – European Journal of Pragmatism and American Philosophy XII-1.
https://doi.org/10.4000/ejpap.1961
Pottier N. & Barroca B. (2013) « Du concept à la mesure de la vulnérabilité aux risques natu-rels : mutations et ouvertures dans l’analyse géographique » – in : M. Bresson, V. Geronimi et N. Pottier (dir.) Vulnérabilité : questions de recherche en sciences sociales (127-150). Fribourg : PU de Fribourg.
Ricœur P. (2001) Le Juste, tome 2. Paris : éditions Esprit.
Taylor E. & Cranton P. (2012) Handbook of Transformative Learning. San Francisco : Jossey-Bass.
Tronto J. (2009) Un monde vulnérable. Pour une pratique du care. Paris : La Découverte.

Calendrier et consignes aux auteurs

Septembre 2023 : Appel à contributions
13 novembre 2023 : Réception des projets d’articles
15 janvier 2024 : Réponse aux auteurs
1er avril 2024 : Livraison des articles
15 juin 2024 : Retour des expertises aux auteurs
Juillet-septembre 2024 : Navettes entre les auteurs, les directrices du numéro et les experts
Décembre 2024 : Livraison du dossier (articles dans leurs versions définitives accompagnés de l’introduction).

Nous attendons pour le 13 novembre 2023 un résumé d’une page présentant le projet d’article envisagé, où les auteurs indiqueront une problématique générale et le questionnement qui en découle sans omettre de préciser la question dans laquelle ils s’inscrivent. Enfin, une liste des références bibliographiques mobilisées dans le cadre de l’étude entreprise sera jointe au résumé.
Vous veillerez à y indiquer également :
vos noms, prénoms
votre institution
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un titre d’article
Les propositions sont à envoyer en fichier attaché (en format. doc ou. docx) à
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Si vous souhaitez envoyer un article développé dès cette première échéance, nous le lirons avec la même attention.
L’intitulé du fichier sera nommé comme suit : Spirale vulnérabilités votre nom.doc (ou. docx).
Les propositions retenues donneront lieu à une proposition d’article qui n’excèdera pas 30 000 signes (espaces compris), attendue pour le 1er avril 2024. Elle sera rédigée en utilisant la feuille de style et en suivant strictement les options rédactionnelles spécifiques à la revue Spirale, notamment en ce qui concerne la bibliographie :
Recommandations aux auteurs
Elle sera soumise à un logiciel anti-plagiat avant le processus d’expertise, la revue ne publiant que des articles originaux.